Durant le dernier week-end d’anciens, nous avons eu la chance d’avoir une intervention sur Philibert Vrau, précurseur de la Doctrine Sociale de l’Eglise et dont le procès de béatification est en cours.Fils d’industriel né à Lille en 1829, Philibert Vrau reprend l’entreprise de fil à coudre créée par son père : Etablissement Vrau et Cie. Un temps sensible aux thèses positivistes, il se convertit en 1854 et nourrit une amitié constructive avec son futur beau-frère Camille Feron.
Il développe l’activité de l’entreprise en permettant une révolution technique et commerciale en organisant des représentations à l’étranger et en privilégiant la publicité. En 1870, l’entreprise compte 1000 employés.
Conscient de sa responsabilité envers ses employés, il développe des œuvres sociales à destination de son personnel : suppression du travail de nuit pour les femmes, diminution des heures de travail quotidien, création d’une société de logements et d’une caisse de chômage pour les ouvriers… Il s’inscrit parmi les grandes figures du catholicisme social.
En 1881, il organise à Lille le premier congrès eucharistique international puis développe des œuvres catholiques : Université Catholique de Lille, Institut Catholique des Arts et métiers, écoles primaires paroissiales, églises paroissiales, patronages ….
Souvent présenté comme un homme d’action ou un patron chrétien exemplaire, Philibert Vrau est avant tout un homme de Dieu : homme de prière, il place l’eucharistie au centre de sa vie, développe et vit régulièrement l’adoration eucharistique nocturne avec ses amis . Riche des ressources de son entreprise familiale, il consacre ses revenus au service des œuvres catholiques qu’il fonde ou encourage. Il manifeste ainsi d’une grande liberté face à l’argent et s’investit dans l’économie du don et de la gratuité avant l’heure (cf. bien des années après l’écrit du Pape Benoît XVI dans l’encyclique Caritas in Veritate qui cible cette notion). Il ne nous est pas difficile de faire le lien entre eucharistie et don, prière et action. C’est en cela que Philibert Vrau peut devenir un modèle pour les chrétiens d’aujourd’hui. Il l’est aussi par sa passion pour l’Eglise et ce qu’on nomme volontiers aujourd’hui l’évangélisation. Il contribue à structurer les associations catholiques comme la conférence Saint Vincent de Paul ou la Sainte Famille, aujourd’hui disparue. Il encourage les fidèles laïcs à prendre leur part de responsabilité dans ses associations et à alimenter la vie de l’Eglise par leur prière, leurs actions caritatives, leurs engagements sociaux et politiques. Lui-même reste très discret, donne d’ « une main anonyme », passe le relais dans les responsabilités associatives, est extrêmement obéissant à la hiérarchie catholique, même s’il sait se montrer obstiné pour défendre des causes essentielles à ses yeux comme la création à Lille d’une Université Catholique.
Lille, siège d’un diocèse depuis 1913 n’aurait pas aujourd’hui la configuration qu’on lui connaît sans l’action de Philibert, de son beau-frère et ami Camille Feron-Vrau et d’autres chrétiens laïcs très actifs dans la seconde partie du XIXème siècle.
Aujourd’hui un prix Philibert Vrau est attribué chaque année par les entrepreneurs et dirigeants chrétiens. Il récompense le patron qui permet au mieux un engagement dans une économie de marché et au service de l’homme.